vendredi 25 janvier 2008

Gagner toujours plus ou vivre autrement ?

Gagner toujours plus ou vivre autrement ? de P. ARIES

J'ai co-organisé à Lyon un contre-Grenelle de l'environnement le 6 octobre, car nous ne voulions pas d'une union sacrée autour du prési­dent de la République sous prétexte de défense de l'environnement. Le Grenelle ne pouvait qu'être sarko-compatible, alors que le sarkozysme n'est pas écolo-compatible, comme le prouve son slo­gan :« Travailler plus pour gagner plus ». Cette idéologie du travail signifie toujours plus de production, donc toujours plus de pollution.

L'idéolo­gie du « développement durable » peut être comprise de deux façons : pour Nicolas Hulot, elle est une fa­çon de polluer un peu moins pour pouvoir polluer, plus longtemps ; pour d'autres comme Claude Allè­gre ou Laurence Parisot elle est une tentative de marier l'écologie et le capitalisme, bref, d'avoir en même temps la croissance et la survie de la planète. Ce «capitalisme vert» est une mascarade qui vise à faire payer la crise écologique aux plus pauvres. Cette idée d'un cercle ver­tueux entre croissance et écologie retarde les vraies décisions.

Nous ne pourrons pas en finir avec « la domination de tous sur la planète » sans en finir d'abord avec « la domi­nation de quelques-uns sur tous les autres», c'est pourquoi la première décroissance que nous voulons est celle des inégalités sociales. On ne pourra aussi en finir avec cette « im­mondialisation» qui tue à la fois la Terre et les humains, que si nous appre­nons à entretenir d'autres rapports au temps, à l'espace, à la nature et même à nos corps, à la vie.

Nous ne pourrons en finir avec le productivisme (de droite ou de gau­che) que si nous apprenons à ralen­tir, c'est-à-dire si nous inventons des prothèses techniques et des rituels sociaux pour ralentir, comme le pro­posent Slow food et le Mouvement des villes lentes (Slow cities). Nous n'en finirons également avec la des­truction de la planète que si nous ac­ceptons de relocaliser nos activités, comme le proposent les AMAP et le fait de produire et de manger local. Il ne s'agit donc nullement de ren­voyer dos à dos faibles et puissants, patrons et salariés, mais de réfléchir pour que nos revendications collec­tives n'entretiennent pas ce système qui nous détruit.

Plus de pouvoir d'achat ?

On ne peut, par exemple, poursuivre l'objectif de vivre demain tous com­me de bons petits bourgeois : l'ave­nir n'est pas à la voiture climatisée pour tous, ni même à la civilisation de l'automobile. L'objectif d'obtenir plus de «pouvoir d'achat» est un vrai problème, mais un faux enjeu. Le capitalisme nous a appris à penser en terme de toujours plus, car il nous insécurise : nous faisons comme si la question fondamentale était celle du niveau de vie et non celle du style de vie. Accepter de « travailler plus pour gagner plus » est un jeu de dupes car l'augmentation sans fin des besoins fait que, là où le salaire d'un ouvrier suffisait hier à faire vivre toute sa fa­mille, aujourd'hui, il faut les salaires des deux conjoints pour parvenir simplement à survivre. Nous ne de­vons pas chercher à imiter la vie des riches mais inventer d'autres genres de vie. C'est la seule possibilité pour concilier les contraintes environnementales avec notre souci de justice sociale. Cela ne peut se faire que par un retour au politique, c'est-à-dire en demandant aux citoyens de définir ce qui doit être (quasi)gratuit, parce que conforme à un bon usage social et environnemental, et ce qui doit être renchéri ou interdit parce que générateur de comportements inégalitaires.

Pourquoi payer son eau le même prix pour faire son ménage et remplir sa piscine privée ? Pourquoi payer au même tarif son électricité, son essence, ses transports, pour ce que la société considère être un bon usage et ce qu'elle considère, à un moment donné, être un mésusage ?
S'opposer au système actuel c'est donc d'abord à mes yeux prôner l'adoption d'un revenu universel inconditionnel qui doit nécessai­rement être accouplé à un revenu maximal autorisé.

Paul Ariès
Directeur du journal Le Sarkophage Auteur de La décroissance : un nou­veau projet politique (Golias, 2007).
Publié dans le journal « L’Age de Faire » janvier 2008, (www.lagedefaire.org)

1 commentaire:

Mathilde a dit…

Bravo et vive la décroissance si comme il est bien dit cela peut être un nouveau départ à construire une société pour mieux "vivre ensemble". Alors tous au travail pour l'inventer et l'organiser. Voilà un souffle nouveau que l'on retrouve dans le livre nouveau livre en parution de Jean LASSALLE (député Modem).Le modernisme et ses valeurs de l'urbain salvateur y sont ébranlées. Faisons que le Mouvement Démocrate porte au mieux cette voie nouvelle. Merci Isabelle de nous instruire d'une si belle pensée. Mathilde